jeudi 23 août 2012

La Coalition Avenir Québec (CAQ) serait-elle un parti d’amateurs ?


L’affirmation peut paraître forte d’autant plus que je ne peux juger de l’ensemble du programme de la formation politique, car je n’ai pas les compétences nécessaires. Toutefois, en ce qui a trait à l’éducation, je me sens plus à l’aise d’intervenir puisque je connais bien le domaine. Le programme de la CAQ en éducation est ambitieux, fondé sur des promesses qui pourraient s’avérer beaucoup plus coûteuses que la formation politique ne le prétend (voir le billet de Marc Saint-Pierre sur la promesse d’augmenter de 20 % le salaire des enseignantes et enseignants et des directions d’établissement ou encore le billet du professeur masqué). Mais là n’est pas mon propos.

Les taux de réussite au collégial et à l’université

Je voudrais m’arrêter à une autre promesse de la CAQ qui consiste à vouloir augmenter le taux de diplomation au collégial à 75 % et à l’université à 80 %. Je le dis crûment, même si la CAQ était au pouvoir pendant 20 ans, qu’elle investissait toutes les ressources du Québec, qu’elle trouvait des idées originales, elle ne pourrait pas remplir sa promesse. Pourquoi ? Pour une simple erreur d’amateur. Voici les faits.

Si la CAQ avait indiqué qu’elle souhaitait atteindre un taux de réussite (nombre de jeunes inscrits dans un programme qui obtiennent un diplôme) au collégial et à l’université respectivement de 75 % et 80 %, cette promesse aurait eu tout son sens. Présentement, au collégial, la réussite des jeunes inscrits dans un programme (préuniversitaire et technique) est de 64 %[1], ce qui veut dire que sur 100 personnes inscrites à un programme d’études collégiales, 64 obtiennent leur diplôme. Si on y ajoute les attestations d’études collégiales (AEC), les certificats d’études collégiales (CEC) et les diplômes de perfectionnement de l’enseignement collégial (DPEC), on obtient un taux de réussite de 78,6 %, soit au-delà de la cible de la CAQ.

Pour l’enseignement universitaire, le taux de réussite est présentement de 68 % au baccalauréat (de 72 % à la maîtrise et de 56 % au doctorat), ce qui veut dire que sur 100 personnes inscrites au baccalauréat, 68 obtiennent un diplôme. Les promesses de la CAQ sont réalistes dans ce contexte, quoique que cela demanderait des efforts énormes afin d’investir des ressources pour soutenir les enseignantes et enseignants dans ce défi.

L’erreur de la CAQ c’est d’avoir confondu taux de diplomation et taux de réussite

Un taux de diplomation correspond au nombre de personnes qui obtiennent un diplôme (secondaire, collégial, universitaire) dans une génération ou une classe d’âge. Je sais, il n’y a rien à comprendre là-dedans. Pour simplifier les choses, on prend 100 jeunes qui entrent au secondaire et on les suit dans leur cheminement scolaire jusqu’à l’université. Présentement, au Québec, sur 100 jeunes entrés au secondaire, 74 obtiennent un diplôme avant 20 ans, ce qui donne un taux de diplomation de 74 % (en réalité, c’est 73,8 %). Simple non !

Continuons à suivre nos jeunes. Sur les 74 jeunes qui sont diplômés, 61 s’inscriront au collégial et 39 d’entre eux obtiendront un diplôme, ce qui nous fait un taux de diplomation de 39 % (39 jeunes qui obtiennent un diplôme au collégial sur 100 qui sont entrés au secondaire = 39 %). On voit bien ici que le taux de diplomation et le taux de réussite au collégial sont deux mesures différentes. Il suffit de faire une simple règle de trois pour obtenir à partir du taux de diplomation le taux de réussite, soit 39 x 100 ÷ 61 = 64 %. 

On comprendra que pour atteindre un taux de diplomation au collégial de 75 %, il faudrait minimalement que 75 jeunes du secondaire sur 100 accèdent aux études collégiales (61 jeunes présentement) et que tous réussissent à obtenir un diplôme (défi gigantesque, vous en conviendrez). Le même raisonnement doit être effectué pour les études universitaires.

Une question de rigueur

Tout cela pour dire que la rigueur ne semble pas la marque de commerce de la CAQ. Parce que la CAQ confond les mesures statistiques en éducation, elle risque de créer de la confusion. Que dira François Legault quand un journaliste lui demandera comment il fera pour atteindre un taux de diplomation de 75 % au collégial alors que les indicateurs du MELS indiquent que ce taux est de 39 % présentement. Osera-t-il affirmer que la CAQ a confondu deux mesures en éducation ou cherchera-t-il à minimiser les choses en disant qu’il y a eu une «coquille» dans le programme du parti ? 

Ce que demande la CAQ, c’est la possibilité de nous gouverner tous. Pour cela, je crois que la formation politique a des devoirs à faire. Premièrement, s’entourer de quelques spécialistes (en éducation par exemple) afin d’éviter des erreurs comme on vient de le voir. Ensuite, envisager faire un passage dans l’opposition afin de prendre de l’expérience, ce qui fait défaut présentement (à part quelques députés de la défunte ADQ).




[1]     Voir les données du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS).